A l’occasion des 40 ans d’action d’Asmae, Elizabeth, bénévole pour l’association aux côtés de Sœur Emmanuelle et toujours aussi passionnée aujourd’hui, nous fait part de son témoignage. Grâce à son aide et à celle de tous ceux qui ont partagé sa détermination, plus de 500 000 personnes ont pu bénéficier de nos projets depuis ces 40 ans. Elizabeth revient, ici, sur son engagement durant ces nombreuses années auprès d’Asmae, pour contribuer à faire des enfants des hommes et des femmes libres.
Comment avez-vous connu Asmae ?
J’ai connu Asmae lors d’une conférence donnée par Sœur Emmanuelle à la paroisse Saint Daniel à Asnières en 1993 il me semble. C’est la première fois que je la voyais en vrai, que je l’entendais parler de son association et de ce qu’elle avait vécu en Egypte.
Est-ce la première fois que vous entendiez parler de Sœur Emmanuelle ?
Non, j’en avais déjà entendu parler, mais cette fois-ci j’ai été interpellée. D’autant qu’à ce moment-là j’avais plus de temps libre et donc je suis allée frapper rue Chapon où se situaient les bureaux Asmae à cette époque.
Qu’a dit Sœur Emmanuelle qui vous a vraiment donné envie de vous engager dans l’association?
Sa façon d’avoir vécu au milieu des chiffonniers. Elle était professeur dans les écoles chics puis elle est partie vivre dans les bidonvilles, ce qui n’a pas dû être facile pour elle, j’imagine. Son idée était de mettre en avant l’importance de l’éducation des enfants. C’est par l’éducation des enfants que les choses changeront. Si les enfants, et surtout les filles, peuvent être éduqué.e.s, ça fera changer les choses. Sinon les filles sont mises de côté, on ne s’en occupe pas, elles sont souvent exploitées, mariées de force, elles n’existent pas aux yeux des hommes. Pour moi, l’éducation et la protection des enfants sont vraiment une priorité : les protéger de toutes les violences physiques, de toutes les violences sexuelles etc. Tout cela m’a beaucoup interpellée.
Pouvez-vous nous rappeler ce que vous avez fait chez Asmae, votre engagement ?
Au tout début, quand je suis arrivée rue Chapon, j’ai rencontré Catherine Alvarez. Elle m’a tout de suite mise au travail : j’ai commencé à monter avec une permanente une exposition Porte de Versailles pour expliquer ce que faisait l’association. Puis, j’ai passé quelques jours en Egypte avec Catherine sur le terrain. À la suite de cela, il m’a été confié la mission de monter un dossier pour demander des subventions à Bruxelles. Cela m’amuse beaucoup quand je vois les dossiers que j’ai pu monter et quand je vois maintenant la complexité des dossiers qu’il faut monter, c’est un autre monde. Mais il n’empêche que dans ces années-là, nous avions réussi à avoir de l’argent et j’avais été invitée avec Trao, qui a été président de l’Association d’Asmae, pour défendre le dossier à Bruxelles. On avait réussi à avoir de l’argent donc tout était bien. Puis après, quand on a déménagé boulevard de Strasbourg, j’ai fait partie du bureau de l’association. Je me suis lancée sur le parrainage. J’ai pris la responsabilité du parrainage pour les Philippines, d’Haïti et puis de Madagascar. J’ai été aussi appelée pour aller à la Chrysalide à Bobigny où je suis “la dame sous” puisque c’est moi qui perçoit les loyers. D’abord, c’est un autre monde que j’ai découvert car je n’étais pas habituée à rencontrer des mères de famille, toutes jeunes, avec leurs enfants en bas âge qui avaient toutes vécues des histoires difficiles, de la violence… Le travail de l’équipe éducatrice est de leur montrer l’importance de s’occuper de leurs enfants, de construire un budget, de pouvoir devenir de plus en plus autonomes afin de pouvoir quitter la Chrysalide. Certaines ont fait un très beau parcours. Donc j’y vais une fois par mois pour percevoir les loyers.
Quel est votre plus beau souvenir auprès de l’association Asmae ?
J’ai un peu de mal à en choisir un. J’ai un souvenir avec sœur Emmanuelle, en Conseil d’Administration où elle nous avait interpellés de manière assez violente comme elle savait le faire : en tapant du poing sur la table pour finalement aboutir à la création de la Chrysalide. Un soir où nous étions avec elle en train de dîner elle nous avait dit : “Demain, on ouvre une boutique pour accueillir ces femmes et ces enfants !”. Il lui a été répondu : “attendez, sœur Emmanuelle, vous rêvez, demain ce n’est pas possible. “Mais si, mais si”, elle a alors retapé du point sur la table. Il lui a été redit : “non, ce n’est pas possible, cela ne peut être décidé pas aussi vite”. Mais ce qui à été extraordinaire, c’est que grâce à cette interpellation, le projet de la Chrysalide est né. C’est un souvenir que j’ai toujours en tête. Sa façon d’être percutante pour qu’on avance et que son association avance. C’est un point qui m’avait frappé, moi, personnellement.
Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre relation avec elle ?
Oui, j’ai eu la chance de la voir plusieurs fois en tête à tête. Elle a été faire des témoignages dans les aumôneries catholiques à Paris et je l’ai conduite dans différents endroits de Paris. C’était une rencontre spéciale. Je me rappelle qu’une fois, avant d’aller voir une des aumôneries du 9ème, elle était un peu fatiguée, nous nous sommes donc arrêtées à la maison, puisque j’habite un appartement dans le neuvième, un deux pièces et elle me dit : “Attends, Elizabeth, ce n’est pas possible, tu vis là toute seule ? Mais tu pourrais accueillir plein de SDF!”. J’ai répondu : “Ah mais ça c’est non ! quand je rentre de mon travail j’ai besoin de me reposer”. Plus tard, elle est revenue à la maison et là, elle a été très contente, elle m’a dit “ah mais qu’est ce qu’on est bien chez toi pour se reposer ! C’est calme et confortable.”. Je n’ai pas osé lui rappeler ce qu’elle m’avait dit auparavant.
Pouvez-vous nous citer une ou plusieurs choses qui ont changé selon vous dans l’association Asmae ?
L’association, en 2020, n’est plus l’association de 1994. Et pour un bien. Il y a toujours cette idée conductrice de faire grandir les enfants avec leurs familles, dans une certaine dignité et avec l’idée qu’ils deviennent des hommes et des femmes libres et acteurs de la société. Dans toutes les actions qui sont menées il est important de voir ce dont les gens ont besoin, de voir aussi les besoins du terrain. Nous n’arrivons pas avec notre savoir, mais appuyons et soutenons les associations qui sont déjà sur le terrain. Nous essayons d’aider tous les partenaires pour les préparer à prendre leur autonomie, leur envol. Et d’ailleurs nous avons “quitté”, “abandonné” certains partenaires dans certains pays parce qu’ils sont devenus autonomes.
Que souhaitez-vous à Asmae pour les 40 prochaines années ?
Qu’elle continue sa mission et, si possible, que toujours plus d’enfants, plus de familles profitent de l’action de l’association. Que malgré les contextes politiques souvent fragiles et marqués par les violences, l’association ne perde pas de vue que ce sont les enfants d’aujourd’hui qui seront les adultes de demain d’où l’importance de leur permettre de pouvoir se prendre en mains.