En 2006, Asmae a ouvert un centre maternel, pour les mères seules très fragilisées : La Chrysalide. Le centre accueille de jeunes mères en difficultés avec des parcours d’errances, qui ont vécu des violences dans leur enfance et leur jeunesse, ou des abandons. Le centre maternel est un lieu de vie sécurisant qui leur permet de reprendre confiance en leurs capacités à construire un projet de vie et de reprendre une place dans la société. C’est à travers un accompagnement social global, un soutien psychologique et des ateliers à médiation en collectif qu’elles se reconstruisent progressivement. Il s’agit également d’accompagner les premières années de la vie des enfants, fondamentales pour leur développement, et de travailler sur le lien mère-enfant. Nous avons donné la parole à Catherine Valadaud, cheffe de Service et Zornitza Zlatanova, psychologue à La Chrysalide, qui nous parlent de la spécificité de l’accompagnement des femmes qui ont vécu des violences sexuelles.
Comment parvenez vous à savoir, malgré le silence, qu’une mère a été victime de violences sexuelles ?
Catherine Valadaud : Au cours du premier entretien d’évaluation, les jeunes mères sont invitées à raconter le parcours qui les a amenées à vivre cette situation d’errance avec leur(s) enfant(s). À travers le récit partiel d’éléments de leur vie nous tentons de comprendre leur histoire et déchiffrer ce qu’elles peuvent dire de leur souffrance. Le travail d’écoute et de compréhension d’un récit s’appuie sur des connaissances théoriques qui permettent simultanément de repérer les mécanismes psychiques en œuvre et formuler des hypothèses de compréhension de leur histoire. Si nous repérons qu’il serait dangereux pour elles d’aborder frontalement des questions traumatiques, nous respectons leurs défenses.
Que mettez-vous en place pour aider une femme qui a été victime de violences ?
Zornitza Zlatanova : Il n’y a pas de protocole à suivre. Chaque accompagnement est personnalisé, individualisé et en fonction d’un référent qui préconise des entretiens avec la psychologue. Ces rendez-vous sont définis au fur et à mesure, tout est une question d’équilibre, de suggestion, de re-discussion. Il peut y avoir de la résistance de la part des bénéficiaires.
CV : Les ateliers à médiation sont des lieux à travers lesquels les émotions peuvent être transformées, masquées pour les rendre tolérables. Par exemple, un atelier « envoyé spécial » est animé par deux éducatrices. Il aborde le sujet des maltraitances comme les mariages forcés, parle de ce à quoi les femmes ont été exposées, des questions de genre, de racisme, et elles sont amenées à débattre de ces thèmes et exprimer leurs ressentis et opinions sans pour autant directement parler d’elles.
Comment aidez-vous les enfants de ces jeunes mères ?
ZZ : Nous faisons un travail éducatif sur la façon dont elles peuvent se protéger et créer un cadre de sécurité pour les enfants afin qu’en retour elles puissent l’apporter à leurs enfants. Ce sont parfois des jeunes femmes qui ont grandi dans un climat incestuel dans lequel leur espace et leur intimité ont été mis à mal. Il est par conséquent important de rappeler que l’intimité de chacun est à respecter et à garantir. De même nous travaillons avec les enfants avec des supports tels que les images, les livres, à travers l’atelier contes et dans d’autres espaces également, pour aborder les questions d’intimité, du refus de l’intrusion, des limites de son corps, du corps de l’autre.
Quels sont vos principaux besoins et attentes aujourd’hui ?
CV : Ces jeunes femmes ont souvent besoin de continuer un travail de soutien psychologique après leur sortie car les effets du trauma sont longs à traiter. Les CMP sont surchargés et les délais d’attente énormes. Il faudrait créer un réseau de psychologues et trouver des fonds pour financer les suivis en continuité du travail entamé avec la psychologue de la Chrysalide. Depuis quelques mois, une spécialiste anime un espace de massage shiatsu. Nous souhaitons poursuivre cette expérience et réfléchissons à développer d’autres ateliers utilisant comme médias la relaxation ou la danse qui leur permettent de se réapproprier leur corps malmené. La psychologue de l’établissement a déjà expérimenté cette médiation par la danse et nous y réfléchissons en équipe.
Asmae remercie ses partenaires financiers : le Conseil Départemental du 93, la CAF, la Ville de Bobigny, l’ARS IDF, APPOS, ANCV, la région IDF.